L’hivernage des colonies d’abeilles


Pesticides, varroa, changement climatique, modifications d’environnement, etc : l’hiver est une étape de plus en plus délicate à franchir pour nos abeilles. Il s’agit de bien les préparer.

L’hivernage est la période de repos pour les abeilles. Elles se regroupent en grappe en général au centre de la ruche. La reine ne pond plus. Les abeilles sortent quand les conditions le permettent pour vider leurs intestins. La consommation de miel permet aux ouvrières de maintenir la température de la grappe aux environs de 35°C. Plus la température est basse, plus la grappe se resserre.

Une abeille isolée surprise par le froid s’ankylose et meurt lorsque la température descend au-dessous de 5°C. On peut le voir en hiver : par une belle journée ensoleillée, la sortie des abeilles pressées de se vider les intestins et attirées par la luminosité due au soleil qui se reflète sur la neige peut se terminer en catastrophe. L’abeille qui se pose sur cette surface glacée se trouve quelques secondes plus tard dans l’incapacité de s’envoler.

Une entrée bien réduite pour l’automne et l’hiver

Une ruche pas trop grande et bien isolée

Il faut toujours que la grappe hiverne dans un espace qui lui permette de maintenir la chaleur nécessaire à un bon hivernage. Pour cela, il est possible d’utiliser des partitions isolantes.

En prenant certaines précautions, les abeilles hivernent très bien en ruchette, et même – si l’apiculteur est expérimenté – en «nucleus» de 4 demicadres de hausse.

Par contre, plus la ruche est petite, plus il faut surveiller l’état des provisions surtout à la reprise de la ponte en janvier, car la famine peut décimer très rapidement ces petites colonies.

Certains apiculteurs hivernent leurs ruches sur un corps surmonté d’une hausse avec plus ou moins de provisions. Ce n’est pas une bonne méthode. Le volume à chauffer est trop important et la nourriture n’est pas au contact de la grappe.

Pêcher en fleur sous la neige. La veille, les abeilles le butinaient.

Protéger la grappe contre les rongeurs, l’humidité, le vent…

Il ne faut pas oublier que si elles en ont l’occasion, les abeilles pillent volontiers le miel de leurs voisines, suivies par les guêpes qui s’introduisent furtivement dans la ruche.

Pour vols et bagarres, il est prudent dès le début des nourrissements (au plus tard en septembre), de réduire les entrées des ruches à un passage d’environ 4 centimètres de largeur et 6 à 7 mm de hauteur. Le reste de la grille d’entrée doit être percé de petits trous sur toute sa longueur pour faciliter l’aération et éviter l’humidité.

Il est indispensable d’incliner légèrement les ruches pour que l’eau de ruissellement ou de condensation s’écoule dehors, et de poser de lourds poids sur les toits légers en tôle pour éviter qu’ils s’envolent les jours de grand vent.

Colonies sous la neige

Ne pas déranger les colonies pendant l’hiver

Pendant l’hivernage, la colonie ne doit pas être dérangée, sauf pour une intervention indispensable : purger la ruche du maximum de varroas, pendant que le couvain est absent ou presque inexistant.

Pour cela, en général entre Noël et le Jour de l’An, par une journée pas trop maussade, par une température d’au moins 5°C, même si les abeilles ne sortent pas, j’enfume très légèrement la colonie en enlevant le couvre-cadres, et j’effectue un traitement à l’acide oxalique par dégouttement le plus rapidement possible sur la grappe compacte.

J’effectue cette opération une seule fois systématiquement toutes les années à cette saison, et je suis toujours surpris de constater les jours suivants un amas de varroas sur les langes malgré les traitements faits précédemment à l’automne. Un traitement plus ou moins efficace de juillet à septembre et surtout la réinfestation par pillage en septembre-octobre en sont souvent la cause.

Lors de ce traitement de fin d’année, les varroas tombent et meurent par suite du froid et très peu remontent sur les abeilles.

Il faut éviter de refaire un traitement supplémentaire à l’acide oxalique dans les semaines qui suivent, au risque de provoquer un affaiblissement de la grappe.

Reprise de la ponte de la reine

Très tôt en saison, la reine reprend sa ponte. De quelques oeufs par jour, la ponte augmente progressivement et peut atteindre 2000 oeufs en avril, mai ou juin. Les vieilles abeilles disparaissent épuisées, et il est indispensable qu’elles soient remplacées par de nombreuses naissances.

Il est très important qu’il reste des provisions dans la ruche, car cet élevage se traduit par une forte consommation de miel et de pollen. Si un brusque retour de froid empêche les abeilles de se réapprovisionner à l’extérieur, la disette peut anéantir de nombreuses colonies.

Actuellement les apiculteurs ont pris l’habitude de nourrir très tôt leurs colonies, souvent dès le milieu de janvier, au départ avec du candi, puis avec du sirop pour activer le développement du couvain. Certains laissent même du candi tout l’hiver sur leurs colonies.

Ces pratiques n’existaient pas dans les années 1970-1990 car manifestement les abeilles consommaient moins pendant l’hiver et les pertes d’hivernage étaient réduites à 6 % en moyenne, contre 30 % et même plus actuellement.

Jacques Freney dans son rucher en juillet 2020. Une image qui prouve que tout espoir n’est pas encore perdu pour l’apiculture.

La pratique de l’apiculture devient difficile

Je reste toujours impressionné par les quantités de sirop consommé chez certains collègues par les colonies en une année, quantité qui n’est pas toujours en rapport avec la récolte de miel obtenue.

Les abeilles actuelles n’ont plus la même vitalité ni la même espérance de vie qu’il y a quelques décennies. Entre 1970 et 1990 je retrouvais encore quelques reines la cinquième année de leur vie, maintenant combien en reste-t-il après deux années de ponte ?

Les ouvrières vivent moins longtemps, les reines n’ont pas leur spermathèque correctement remplie de sperme viable et leur durée de vie est écourtée, les mâles sont en moins grand nombre, leur fertilité est moindre et ils disparaissent souvent très tôt en saison…

Les néonicotinoïdes et les autres pesticides, le varroa, le modèle agricole, le changement climatique et même le manque de sélection de races d’abeilles adaptées à ces nouvelles conditions expliquent en partie la difficulté d’hivernage de nos colonies d’abeilles.

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