Des arbres mellifères pour le changement climatique


Chaude et sèche, l’année 2020 préfigure le futur proche : des grandes floraisons précoces… et peu de ressources jusqu’au lierre. Plantons des arbres mellifères à floraisons estivales et tardives !

Auteur : Yves Darricau

Auteur du livre – Planter pour les abeilles. L’apiforesterie de demain – Editions Terran

L’année 2020 est partie pour être l’une des plus chaudes jamais enregistrées, et aussi l’une des plus sèches ; même si l’année n’est pas terminée, beaucoup de climatologues le pensent. La flore en a été affectée, avec des floraisons avancées, parfois courtes, et un arrêt complet en été : En pleine sécheresse ne reste que la fermeture des stomates et donc la limitation des échanges avec l’atmosphère pour éviter un ‘’infarctus’’ mortel par rupture de la colonne d’eau interne, entre racines et canopée… Certains arbres n’y ont pas échappé ; ils perdent leur tête et dépérissent d’années en années. 2020 préfigure en fait notre futur proche, plus chaud et sec ,et plus chaotique ; ce qui sera notre quotidien, selon les scénarios climatiques, entre 2030 et 2050 ! L’avenir se dessine : tilleuls et châtaigniers, nos derniers arbres mellifères, vont fleurir de plus en plus tôt ; et fin mai, les grandes floraisons seront terminées. La période ‘’pauvre en fleurs’’ s’étirera alors jusqu’à la floraison des lierres, si importants pour l’hivernage des abeilles.

Cette période, comblée classiquement par les ronces et autres fleurs des champs, est aussi soumise à un net appauvrissement floral par fauchages et nettoyages excessifs, et recul des prairies naturelles. On peut tenter d’y remédier en implantant des jachères apicoles (avec des coûts récurrents de travail des sols et de semences), mais le plus efficace et finalement le moins coûteux serait d’établir dans nos paysages des arbres à floraisons estivales et tardives, dont le manque devient de plus en plus flagrant.

Les arbres sont la solution

Les arbres sont les végétaux les plus résilients face au changement climatique et à la sécheresse : leurs racines profondes encaissent mieux les coups de sec que celles, superficielles, des prairies ; et leur productivité en nectar et pollen est énorme : les ordres de grandeur indiquent par exemple qu’un érable adulte en fleur vaut un hectare de prairie !

Les apiculteurs planteront pour leurs abeilles et pour toute la biodiversité en recherche de fleurs. Face à l’urgence, il faudra planter des ‘’stratégiques’’, c’est-à-dire privilégier les arbres et arbustes qui fleurissent l’été pour compléter notre flore de plus en plus prise en défaut par le nouveau climat qui s’installe. La liste des possibles est longue: des savonniers, des sophoras, des tilleuls tardifs, des lagerstroemias, des buddleias, des abelias, des viornes, des gattiliers, des arbousiers… Une palette incluant arbres et arbustes, créations horticoles, plantes délaissées et introductions venant des flores tempérées d’Asie est à notre disposition! (voir Planter pour les abeilles; l’apiforesterie de demain1)

Vous découvrirez ci-après quatre arbres, des champions, complémentaires avec les floraisons bien intéressantes, et présentés par ordre de floraisons.

Avec ces quatre beaux arbres à floraisons tardives, on voit se dessiner une solution au défi qu’affrontent les abeilles et autres insectes. Notre flore peut être facilement enrichie, par leur simple introduction dans les jardins et les haies, ainsi que dans de petits bosquets conçus comme des aménagements apiforestiers. De nombreux arbustes existent aussi pour les accompagner et réussir le pari de fournir nectar et pollen au long de l’année.

Koelreuteria paniculata : le savonnier

article 1 :Koelreuteria paniculata introduit dans une Haie

Le Koelreuteria est un petit arbre, dont la floraison est très spectaculaire et explose après celle de nos châtaigniers et tilleuls, vers la mijuillet. Se forment alors de grandes panicules aérées, sortes de grappes de fleurs jaunes, qui apparaissent progressivement, puis fanent en laissant au sol une pluie jaune de fleurs. En fait, il a deux sortes de fleurs, des fleurs ‘’mâles’’porteuses d’étamines fertiles à pollen, et des fleurs ‘’femelles’’à étamines stériles qui donnent les fruits en lanternes ! Les premières sont les plus nombreuses en début de floraison, comme si la plante souhaitait attirer les butineurs avides de pollen et faciliter les inter-pollinisations. L’arbre est facile à vivre, monte à 8 ou 10 mètres, sauf en sols trop secs où il reste arbustif ; il est rustique, résistant jusqu’à -15°C, et tolérant à la pollution urbaine.

Le tilleul de Henry fleurit en août

tilia henryana

Le second est un tilleul tardif qui comble le trou floral de début août : il s’agit du tilleul de Henry, Tilia henryana, ramené de Chine centrale en 1901.

Il est modeste, 10 à 15 m, mais très esthétique : facile à vivre, il pousse plutôt lentement et il est rustique quoique peu à l’aise en sols trop superficiels. Ses feuilles grandes et planes, sont découpées et ornées de fines dents façon épines; elles se déploient dans une étonnante couleur cuivrée, puis deviennent d’un beau vert.

Les fleurs parfumées, groupées par bouquets de vingt, arrivent tardivement, et s’ouvrent de façon étagée pour une longue floraison d’août en Ile-de- France. Le plus beau des tilleuls!

Sophora japonica : grand et fort

sophora urbain; Issy Les Moulinaux; 92

Plus tardif, le Sophora japonica est un arbre de première grandeur, jusqu’à 20 à 25 mètres. Son beau feuillage vert apparaît et disparaît tard, son enracinement est profond et sa croissance rapide. Il fixe l’azote, accepte les sols pauvres qu’il enrichit, tolère la pollution, la chaleur et même une certaine sécheresse, et résisterait à – 30°C. Un rustique, à floraison cependant irrégulière : absente ou décalée lors des printemps excessivement humides, mais qui fleurit beaucoup les années chaudes, et très longtemps, quasiment cinq semaines !

Ses très nombreuses petites fleurs blanc crème, ou rosées s’ouvrent progressivement. Elles aimantent les abeilles, qui vont jusqu’à les butiner au sol, ce qui en dit long sur leur attractivité. Il fournit nectar et pollen, et son potentiel nectarifère serait de l’ordre de 300 kg/ha.

L’apiculteur recherchera le cultivar «Régent», qui pousse vite et droit, fleurit plus jeune que le type (5/10 ans), et a toutes les caractéristiques de rusticité. Un candidat incontournable pour le paysage de demain.

Tétradium danielli : L’arbre à miel

Tetradium danielli.

Enfin le Tetradium danielli., un chinois, est baptisé aussi « arbre à miel ». C’est un champion mellifère qui se couvre de fleurs et d’abeilles pendant et légèrement après la floraison du Sophora .

Un arbre petit, de 10 à 15 mètres de haut, à port en boule, à bois cassant et qui attire les chevreuils, question d’odeur? Il pousse vite, mais a une courte durée de vie, de l’ordre de 50 ans. Il est rustique partout en France vu son origine, et préfère les sols frais mais tolère les sols pauvres, une fois établi. Il fleurit dans son jeune âge (dès cinq ans) et sa floraison est régulière, très prolifique les étés chauds, et parfumée ; elle dure environ trois semaines, et est très généreuse en nectar .Sa taille lui permet de trouver sa place en petits jardins.
On peut aussi le conduire en boule sur tronc court, voire en cépée, une forme qui lui va bien s’il peut monter et s’ouvrir. Il est facilement intégré dans les haies.

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