De l’importance des pollens et de leur diversité


Le pollen est la partie protéinée de la nourriture des abeilles. Pour prendre un raccourci, c’est son bifteck (Professeur Rémy Chauvin). Mais l’abondance de ce bifteck ne suffit pas : il doit être diversifié et de bonne qualité nutritive.

La « malherbologie » est l’étude des « mauvaises » herbes et leur disparition dans certains endroits provoque des carences préjudiciables à la santé de nos insectes favoris. Nous ferions donc bien de nous intéresser à ces plantes dites ’’mauvaises’’ qui en réalité assurent tout au long de l’année une nourriture indispensable à nos abeilles.

Rien n’est plus déprimant que des champs de graminées semés par nos chers agriculteurs, sans autres espèces florales, et sans haies, afin de produire de la viande ou du lait. Les ruminants se satisfont plutôt bien de ces herbages mono-graminées (ray-grass), complémentés de farine ou de légumineuses. Nos abeilles n’y trouvent que des déserts floraux.

L’alimentation en pollen, déterminante pour la santé

Les céréales sont également désherbées de leur adventices messicoles, et les champs de coquelicots (Papaver rhoeas et Papaver dubium), de centaurées, de scabieuses, de bleuets que Renoir a souvent peints, font le plus souvent partie de l’histoire. Et pourtant, il y a encore 50 ans, ces plantes étaient l’une des composantes essentielle des miels toutes fleurs d’été. Les cirses ou chardons , de même que les bleuets sont extrêmement nectarifères Et je ne parle pas des sainfoins et scabieuses qui donnaient les fameux miels blancs du Gâtinais.

Sans minimiser les causes de mortalité de nos abeilles dues aux produits phytosanitaires omniprésents dans notre environnement, l’absence de certains pollens indispensables à leur alimentation contribue certainement à l’affaiblissement de nos colonies tout au long de l’année.

Autrefois largement présent dans les prairies, le sainfoin est aujourd’hui beaucoup moins fréquent

La thèse de Garance Di Pasquale, sous la tutelle d’Yves le Conte et Luc Belzunces au CNRS, financée par le programme communautaire pour l’apiculture, nous conforte dans la certitude que leur mauvaise alimentation est un facteur déterminant dans leur santé déficiente.

Les abeilles ont besoin de pollens divers pour bien alimenter leur larves. Les effets de la qualité et de la diversité du pollen ont été évalués dans la physiologie des jeunes abeilles (développement des glandes hyopharyngiennes, glandes sécrétant la gelée royale) et l’expression du gène de la vitellogénine (une protéine impliquée dans la production de gelée royale, de la longévité et de l’immunité cellulaire).

La thèse de Di Pasquale montre l’influence d’une alimentation carencée en pollen sur la maladie Nosema ceranae. La diversité pollinique a été testée sur la tolérance au parasite Nosema ceranae, ainsi que sur la survie des abeilles et l’activité des enzymes de l’immunité.

Par exemple les abeilles nourries avec du pollen de ciste , pauvre en protéines, ont eu une vie réduite alors que les abeilles nourries avec du pollen de ronce, de châtaignier ou de bruyère ont eu des vies normales et équivalentes en durée. En revanche, les résultats obtenus chez les abeilles parasitées par Nosema ceranae montrent que la qualité du pollen est un facteur prépondérant. En effet, la survie a été fortement influencée par le type de pollen. Le classement des pollens monofloraux en fonction de leur effet bénéfique croissant pour la survie, est le suivant : ciste, châtaignier, bruyère, ronce.

Le pain d’abeilles

Lors de la récolte, nos abeilles mélangent des grains de pollens avec du nectar contenant des enzymes. C’est le pain d’abeilles. Il mature grâce aux enzymes, offrant aux abeilles un complexe survitaminé et disponible tout au long de l’année.

Les alvéoles contenant du pain d’abeille sont «fermées» par une fine pellicule de miel après avoir été tassées par les ouvrières.

Ces résultats suggèrent que la qualité d’un pollen ne dépend pas uniquement du taux de protéines ; le pollen de bruyère présente une teneur en protéines inférieure à celle du châtaignier, mais offre aux abeilles une meilleure survie.

La qualité et la diversité pollinique ont donc une importance pour la survie de l’abeille lorsqu’elle est soumise à des stress tels que Nosema ceranae. La disponibilité de différentes ressources florales apparaît comme très importante pour compenser la qualité nutritionnelle moindre, et donc l’influence limitée de certains pollens, et améliorer ainsi la tolérance des abeilles aux parasites.

Le pollen de ronce s’est révélé l’un des plus nutritif de l’étude

De même que la quantité et la diversité en pollens permet une meilleure résistance aux maladies, la longévité des abeilles d’hiver est fortement impactée par l’absence ou le manque de certains pollens d’été ou d’automne. Le changement climatique peut être alors en cause : à la suite d’une sécheresse excessive, les floraisons des plantes mellifères et pollinifères peuvent rapidement s’atténuer et devenir totalement absentes. Aussi des colonies faibles et pauvres en butineuses peuvent subir des carences en protéines qui accroissent leur affaiblissement. Il nous appartient donc de favoriser, pour nos ruchers des emplacements riches en diversité florales. Souvent quelques kilomètres suffisent pour un changement total de diversité botanique.

Je me souviens des prairies et estives naturelles du massif central en juin et juillet, avant les fenaisons, riches de scabieuses, pissenlits, de centaurées, sauges, stellaires, cirses, lamiers, raiponces…Voilà les prairies qui sont nécessaires à la bonne santé de nos abeilles.

« Une prairie à flore diversifiée c’est un mélange de plantes précoces et tardives, de graminées et de dicotylédones héritées des défrichements anciens ».

Je vous recommande le site du conservatoire botanique du massif central et ses flores consultables en ligne:

https://projets.cbnmc.fr/

https:// www.apiservices.biz/documents/articles-fr/ abeilles_consommer_4_pollens_jour.pdf  

Articles similaires