Les abeilles savent compter !


Grâce à des « labyrinthes en Y », les chercheurs parviennent à mesurer les capacités cognitives des abeilles. Ils montrent ainsi qu’elles sont capables de compter. C’est ce qu’a expliqué Martin Giurfa, neurobiologiste et neuroéthologiste au CNRS de Toulouse, invité par le Syndicat lors d’une journée technique organisée à Marcy-l’Etoile.

En tant qu’apiculteur, nous avons tous des notions sur la capacité de nos abeilles à reconnaître des couleurs et des formes. Au début du siècle dernier, le docteur Karl von Frisch avait déjà démontré que les abeilles peuvent voir des couleurs. Nous savons aussi que les abeilles sont capables de reconnaître des formes. Ces aptitudes sont primordiales pour retrouver les zones de sources mellifères, et aussi pour reconnaître les fleurs individuellement.

Le fait que les abeilles voient des formes est aussi utilisé par des apiculteurs qui peignent des formes au-dessus des entrées des ruches, permettant aux abeilles de ne pas se tromper de ruche.

Martin Giurfa nous a présenté des travaux scientifiques qu’il a menés, avec son équipe et d’autres équipes scientifiques, sur la capacité des abeilles à apprendre des tâches complexes et à compter. La première expérience démontre que les abeilles apprennent à résoudre un problème à partir d’une règle de relation (« choisis ce qu’on te montre, indépendamment de ce qu’on te montre »). Elles savent, après entraînement, choisir une image qui leur est montrée si et seulement si celle-ci a été montrée auparavant.

Pour cet apprentissage, un labyrinthe « en Y » est utilisé (schémas). Sur l’entrée du labyrinthe, une image est présentée. Les abeilles volent dans un tunnel au bout duquel se trouve une chambre de décision. Dans cette chambre s’affichent deux images, dont l’une est la même que celle de l’entrée. Une seule de ces deux images permet l’accès à un nourrisseur contenant une solution sucrée cachée par une paroi.

On constate que l’abeille apprend très vite si elle  doit choisir par exemple la même couleur de sortie que celle de l’entrée, ou au contraire la couleur différente. Ce qui est de l’ordre du concept abstrait (« le même que » ou « différent de »). Les images peuvent varier, mais les abeilles appliquent strictement cette règle.

Martin Giurfa explique également que les abeilles ont un sens numérique et apprennent des nombres définis, représentés par le nombre d’éléments d’une image. L’entrée du labyrinthe présente une image avec deux éléments. Seule l’image montrant le même nombre d’éléments que l’image de l’entrée permet l’accès à la récompense sucrée. Les images peuvent varier en qualité (étoiles, cercles, carreaux, etc.) mais les nombres restent constants en termes de leur association avec la récompense alimentaire. Au bout d’un journée d’entraînement, 80% des abeilles choisissent la bonne image !

Test d’apprentissage de concepts abstraits

les abeilles sont confrontées à des stimuli nouveaux, qu’elles n’ont jamais vus auparavant. Les chercheurs donnent la «récompense sucrée» à la sortie du labyrinthe, soit sur «le même motif qu’à l’entrée», soit sur «un motif différent de celui de l’entrée», et l’abeille apprend très vite où se diriger pour l’obtenir.  

Source M. GIURFA, CNRS TOULOUSE

Elles sont capables de distinguer «plus grand que» ou «plus petit que»

Les chercheurs sont allés plus loin pour étudier les ‘capacités mathématiques’ des abeilles. Une expérience a été fait pour voir si les abeilles maîtrisent le principe de nombre relatif, c’est-à-dire reconnaissent des nombres plus-grand-que ou encore plus-petit-que. Le même entraînement avec un labyrinthe en Y est utilisé. Cette fois-ci, pour l’expérience plus-grand-que, une image avec par exemple 1 élément se trouve à l’entrée et les abeilles doivent donc choisir une image avec 2 ou 3 ou 4 éléments dans la chambre de décision. De nouveau, au bout d’une journée d’entraînement, la grande majorité d’abeilles est capable de choisir l’image avec le plus d’éléments. Elles sont aussi performantes pour reconnaître un nombre plus-petit-que. De plus, la capacité à discriminer des nombres (1 versus 2, 1 versus 3) s’améliore à mesure que la distance numérique entre eux augmente.

Dans les différentes expériences décrites, la limite de calculs des abeilles se trouve autour de 5, mais c’est tout de même incroyable. De nombreuses questions se posent encore comme par exemple : est-ce que les abeilles utilisent ces capacités pour butiner ? Est-ce qu’elles peuvent se souvenir qu’il y a un tilleul en fleurs derrière le troisième grand chêne ? Et est-ce qu’elles peuvent communiquer ces repères aux autres butineuses ?  

Le principe du labyrinthe en Y

L’abeille entre dans le labyrinthe par une entrée caractérisée par une couleur, une forme, un motif particulier.

Les chercheurs offrent une solution sucrée sur une seule des deux sorties. à l’abeille de trouver laquelle…

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Source M. GIURFA, CNRS TOULOUSE

L’abeille apprend vite et durablement

Une autre expérience consiste à étudier la réaction d’une abeille à différentes odeurs. Pour ce faire, les chercheurs bloquent une abeille dans un tube et étudient l’extension du proboscis (la «langue») en réaction à différentes stimulation olfactives.

Ainsi, une des odeurs conduit à la distribution à l’abeille d’une solution sucrée, alors que les autres non. On constate ainsi que, très vite, l’abeille étend son proboscis en présence de l’odeur associée au sucre, et ne le fait pas pour les autres odeurs.

Sur le schéma ci-dessus, on voit que l’abeille apprend rapidement : après seulement 4 essais, plus de 80% des abeilles sont capables de retrouver l’odeur qui leur a été présentée. Et deux semaines plus tard, soit une bonne part de la vie de butineuse de l’abeille, elles s’en souviennent toujours.

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