Dépérissement des colonies d’abeilles : les fongicides aussi

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De premières études montrent que les fongicides ont un effet toxique sur le système immunitaire des abeilles, leur développement et leur alimentation. Des tests à plus grande échelle doivent être menés pour confirmer et préciser ces résultats.

Nous avons tous beaucoup entendu parler de l’effet des insecticides, et principalement des néonicotinoïdes, sur la santé des abeilles, mais très peu d’études sont parues sur les effets des fongicides sur les colonies. C’est pourquoi, lors de sa journée « Santé des abeilles » en mars 2020, le GDSA 69 a invité Etienne Bruneau, rédacteur en chef de la revue apicole belge Abeilles & Cie, à faire une présentation des fongicides et de leur rôle dans le dépérissement des colonies d’abeilles.

Etienne Bruneau, rédacteur en chef de la revue apicole belge Abeilles & Cie, a été invité par le GDSA à faire une présentation des fongicides et de leur potentielle responsabilité dans le dépérissement des colonies d’abeilles.

32 000 tonnes de produits avec des modes d’action divers

Rappelons que les pesticides regroupent trois grandes catégories de produits phytosanitaires : les herbicides, les insecticides et les fongicides. Avec 72 000 tonnes en 2016, la France reste un grand utilisateur de pesticides, en deuxième position derrière l’Espagne, et avant l’Italie (60 000 tonnes) et l’Allemagne (48 000 tonnes). En 2016, la France a consommé 32 000 tonnes de fongicides, 30 000 tonnes d’herbicides et 3 600 tonnes d’insecticides, plus divers autres pesticides. 

Il existe plusieurs familles de fongicides : les strobilurines (avec, entre autres, l’azoxystrobine, le dimoxystrobin…), les carbamates avec (propamocarb, etc) ou les carboxamides, avec le Boscalid. Les fongicides peuvent agir sur des cibles très diverses : le métabolisme de l’acide nucléique, la synthèse des acides aminés ou des protéines, le transport des signaux nerveux, l’altération du système immunitaire, la respiration des cellules, ou leur reproduction, la production d’énergie. Plusieurs modes peuvent être combinés au sein d’un même produit.

Les fongicides SDHI, pour leur part, visent à bloquer l’activité de l’enzyme succinate déshydrogénase qui joue un rôle clé dans la respiration cellulaire. Tous les modes d’action des fongicides n’ont pas encore été analysés.

Les fongicides sont utilisés pour traiter de nombreuses variétés de plantes : les arbres et petits arbres fruitiers, la vigne, les céréales, les plantes maraîchères, les pelouses des stades et golfs. Donc sur une grande partie du domaine végétal.

Or, nous savons que certains champignons et bactéries sont indispensables à la biodiversité et au bien-être et à la santé de la ruche.

Les fongicides présents et toxiques…

Les études réalisées montrent à la fois la présence de pesticides dans les produits de la ruche (BeeNet et Beesyn) et leur toxicité sur les abeilles. Ainsi, l’étude BeeNet en Italie a montré qu’on retrouve l’ensemble des pesticides dans le pain d’abeille (le pollen stocké), la cire et le miel. Une autre étude italienne précise que dans le pain d’abeilles, ce sont les fongicides que l’on trouve le plus fréquemment et de façon plus importante.

Détection de substances dans le pollen stocké dans la ruche

Une autre étude menée en Belgique (BeeSyn) a aussi mis en évidence une forte prédominance des fongicides dans les trois matrices apicoles (pain d’abeille, cire et miel).

Au Luxembourg, suite à un été plutôt sec, avec une utilisation moindre de fongicides, la mortalité hivernale a été moins importante. Le pollen récolté et stocké l’été par les abeilles était moins contaminé. Inversement, les étés pluvieux ont été suivis de mortalités plus fortes.

Du côté des effets des fongicides, une étude de Noa Simon-Delso, en Belgique, montre très clairement un lien entre la durée de vie des abeilles et la présence du fongicide Boscalid. Cet effet se manifeste une quinzaine de jours après l’épandage, quand le fonctionnement de l’enzyme ciblée par le fongicide perturbe le métabolisme des cellules.

Une autre étude menée par S. O’Neal sur les effets du chlorotalonil a mis en évidence une diminution des glucides et des protéines dans l’alimentation de l’abeille, un déficit de l’immunité des abeilles et des abeilles beaucoup plus petites et légères.

De nouvelles études sont nécessaires pour tester les effets toxiques de ces fongicides à moyen et long terme sur les abeilles. Mais déjà, les fongicides ont montré un effet toxique sur le système immunitaire des abeilles, leur développement et leur alimentation. Des tests à plus grande échelle doivent être menés. Les fongicides SDHI en particulier semblent nocifs pour les abeilles, mais aussi pour les vers de terre, les poissons et même les humains. L’ANSES a conclu à l’absence d’alerte sanitaire sur ces fongicides en 2019, mais des experts scientifiques persistent à maintenir l’alerte. Nul doute que nous en entendrons encore parler.

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